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Aux pieds des Alpes autrichiennes, foi et nature guident cette ferme aux trois générations

La route nous emmène sur les hauteurs jusqu’à une large bâtisse entourée de prairies. La vue sur les montagnes autrichiennes enneigées est splendide. S’est-on trompées de destination? On se croirait dans le décor du film “La Mélodie du Bonheur”… Mais non, c’est là! Nous voici arrivées dans notre 3ème ferme, située entre Salzbourg et Linz...




“Réjouis-toi! Dieu T’aime.” peut-on lire lorsque l’on franchit le seuil de la porte qui mène sur une grande salle commune. Pas de communauté à proprement dit ici mais une grande famille aux nombreux visages lumineux. Franz et Marianne, qui ont vu près de 70 printemps, ont la joie d’avoir à leurs côtés leurs 6 enfants et leurs 7 petits-enfants. Dans quelques mois, ce nombre s’élèvera à 9 !


Franz et Marianne, avec leurs 6 enfants -âgés de 28 à 40 ans-, 3 beaux-fils, et 7 petits-enfants qui font leur grande joie :

  • Marianne, institutrice, mariée à Konrad, mécanicien, avec leurs 4 enfants: Marianna (12 ans), Joseph (9 ans), Christina (4 ans) et Paulinos (3 ans)

  • Franziskus, qui se prépare à la prêtrise

  • Christine, institutrice, mariée à Andreas, électricien, avec leurs 3 enfants: Vincent (6 ans), Gabriel (5 ans), Emmanuel (1 an et demi)

  • Joseph, contrebassiste professionnel

  • Teresa, professeur de musique et de religion, mariée à Mattheus, R&D dans le domaine des moteurs

  • Jeremias, instituteur

La ferme familiale, avec à droite les bâtiments d'élevage


Cela fait 5 générations que la famille vit sur place au rythme de la traite des vaches laitières, de race Fleckvieh (race mixte d’origine suisse, croisée entre la Simmental et la Red Holstein), au nombre de 40 actuellement.

Dans la continuité de ses parents, Franz a choisi de reprendre le flambeau et d’être agriculteur à plein temps.

“Un métier où l’on ne s’ennuie jamais et où les activités sont toujours très variées.”

nous confie-t-il dans le dialecte du coin. Sa femme, Marianne, l’a suivi dans l’aventure et a abandonné ses idées de carrière d’architecte pour se consacrer à sa famille et aider à la ferme, en plus de son métier d’institutrice.


Deux fois par jour - à 5h30 et à 17h30 -, les 4 machines de traite sont transportées dans l’étable. Pas de salle de traite, donc! Une machine est positionnée entre 2 vaches puis, une fois celles-ci traites, transportée jusqu’aux deux vaches suivantes.




La traite dure en moyenne 2h et est effectuée par Franz ou l’un des ses trois fils. La famille réfléchit à investir dans un robot de traite pour raccourcir le temps de traite (4h quotidiennement!) et alléger le travail. Cependant, cela nécessitera probablement d’augmenter le cheptel, afin de rentabiliser l’investissement. Il faudra donc également revoir l’organisation du bâtiment.


Certains accessoires permettent néanmoins de rendre le travail plus agréable !


En moyenne, une vache produit une vingtaine de litres par jour, soit environ 500L de lait pour la totalité du cheptel. La qualité du lait de chaque vache est contrôlée tous les mois. Tous les deux jours passe le camion laitier collectant exclusivement du lait biologique. Le conducteur nous confie qu’il se déplace beaucoup pour relier les différentes fermes biologiques...jusqu’à 100 par jour!



La certification bio? Ils l’ont acquise il y a une quinzaine d’années bien que leurs pratiques soient proches du bio depuis plus longtemps. Cependant, la collecte de lait biologique n’existait tout simplement pas auparavant.


Actuellement, le prix du lait est de 0.445 centimes/L en bio. D’après eux, l’entrée de l’Autriche dans l’Union Européenne en 1995 a été problématique pour de nombreux agriculteurs. Certes, ces derniers ont pu recevoir des subventions mais dans le même temps, les prix du lait ont chuté, les charges sociales ont augmenté, ce qui a entraîné la fermeture de nombreuses petites exploitations et des difficultés constantes pour celles qui survivent. Avec des charges qui sont plafonnées, les grosses exploitations s’en sortent mieux. Une solution serait de vendre plus cher le lait, pour que le prix reflète davantage la quantité de travail qui est derrière.


Une vache donne au cours de sa vie à la ferme en moyenne 7 veaux et est abattue à l’âge de 10 ans. Après le vêlage, le veau, pour des raisons sanitaires, ne tête pas sa mère mais boit tout de même son lait grâce à une tétine flottante disposée dans un seau. Il rejoint ensuite les mère-vaches: des vaches spécialisées dans l’élevage des veaux, qui ne sont donc pas traites! Au total, 10 vaches sont déléguées à cette tâche de “nourrice”. Les 30 restantes donnent leur lait...pour le plaisir des consommateurs!



L’insémination artificielle est utilisée pour renouveler le cheptel de vaches laitières. Mais on a également recours à Otto, le taureau charolais, pour inséminer des vaches dont les veaux, mâles comme femelles, seront vendus pour la viande.


Otto


Voici un schéma simplifié du renouvellement d’un troupeau laitier, pour les lecteurs que l’on a perdu au cours des dernières phrases.



Le croisement industriel consiste à inséminer des vaches laitières de race pure (Prim’ Holstein…) par des semences d’un taureau de race à viande (Charolais, Limousin, Blond d’Aquitaine). Le taux de croisement industriel au sein d’un troupeau laitier ne dépasse généralement pas 40 %. Les veaux issus du croisement industriel présentent une aptitude bouchère meilleure que des veaux laitiers de race pure, et ainsi permettre une meilleure valorisation des veaux. (Définition de FranceAgriMer).



Lors de la belle saison, d’avril à octobre, les vaches pâturent sur 10 hectares de prairies touchant la propriété.



En hiver, elles restent à l’étable et sont nourries exclusivement de foin, d’ensilage et de céréales, produits grâce aux 50 autres hectares davantage éloignés de la ferme.Voici un petit récapitulatif :




Sur les champs sont cultivés les mélanges blé/seigle, orge/avoine, ainsi que du maïs et de l’épeautre, ce dernier servant aussi à la fabrication de pain pour la famille. La moutarde, le trèfle et la luzerne sont aussi insérés dans la rotation des cultures, pour préserver la structure et la composition du sol. Le fumier des vaches est épandu sur les champs pour l’apport de matière organique.

La gestion des prairies occupe une place importante dans l’emploi du temps. Elles sont ressemées tous les 3 ans en moyenne. La famille prend soin de les semer avec un mélange comprenant notamment du trèfle et de la luzerne, la luzerne préférant les climats plus secs - de plus en plus fréquent ces dernières années - et le trèfle poussant davantage lorsque les sols sont humides. Pour réaliser les gros travaux agricoles, tels que la presse, l’enrubannage ou la moisson, la famille fait appel à un entrepreneur. Cela leur permet de ne pas avoir le coût d’un capital matériel difficile à rentabiliser.

De gauche à droite:

1. Faucheuse: elle coupe les fourrages à la base de leurs tiges le plus nettement possible et laisse le produit en vrac sur le sol.

2. Faneuse: le fanage intervient juste après la coupe et consiste à soulever et à étaler, à plusieurs reprises pendant quelques jours, le fourrage laissé au sol par la faucheuse. La capacité de séchage de la matière sous l'action du soleil et du vent s'en trouve alors renforcée.

3. Andaineuse: elle regroupe le fourrage sec, issu du fanage, sous forme de lignes continues, les andains.

4. Presse-enrubanneuse: La récolte du fourrage se termine par le ramassage-pressage, consistant à ramasser le fourrage andainé et à le comprimer sous forme de balles compactes. L'enrubanneuse sert à la confection de "balles de conserve", c'est-à-dire des balles enveloppées d'un emballage limitant la quantité d'air en contact avec le fourrage afin d'en améliorer la conservation. Elle bobine un film plastique étirable autour de la balle, recouverte ainsi par au moins 4 épaisseurs de film.


Dans les prairies destinées à la fenaison, il faut parfois déraciner à la main les plants de rumex. Cette plante indésirable n’est pas digestible par les vaches et produit chaque année des milliers de graines si elle est laissée sur place.



En plus de ces 60 hectares de foncier de champs et de prairies, la famille possède également 10 ha de forêt, exploitée pour le chauffage de la grande bâtisse qui se fait exclusivement au bois. Et quand il faut chauffer encore au mois de mai comme cette année, il faut avoir de la réserve.



Les vaches ne sont pas les seuls hôtes de la ferme. Au total, ce sont 40 poules pondeuses, 2 cochons, 30 jeunes poulets de chair, des chats et un chien qui y ont leur résidence. Les œufs sont utilisés pour la consommation familiale ou vendus à des voisins.



Quant aux cochons et aux jeunes poulets de chair, ils sont exclusivement destinés à la consommation familiale. La famille aimerait disposer de davantage de cochons pour pouvoir nourrir ses nombreux membres. Cependant, au-delà de 2 bêtes, la production ne peut plus être considérée comme familiale mais doit être déclarée comme activité agricole. “Une des réglementations de l’Union Européenne excessive et déconnectée de la vie à la ferme. Il serait bien que ceux qui prennent les décisions passent quelques jours à la ferme pour comprendre davantage le fonctionnement de celle-ci.” nous dit Marianne.

Près de 3000L d’eau sont nécessaires quotidiennement pour abreuver l’ensemble des animaux - pas étonnant lorsque l’on sait qu’une vache à elle seule a besoin de 70L d’eau/jour ! Bien que les étés soient de plus en plus marqués par la sécheresse ces dernières années et que cela se ressent sur une production moindre de foin, la famille n’a pour le moment pas de problème pour s’approvisionner en or bleu.


Un jardin maraîcher et les nombreux arbres fruitiers entourant la maison, les champs et les prairies permettent à la famille d’être pratiquement autonome en fruits et légumes.


Choux, salades, fraises, pommes de terre, radis, courges, raifort (le raifort, c’est fort...mais cela accompagne bien les sauces pour la viande !), pommes, poires, prunes, cerises, groseilles, framboises… Vive la diversité!


La production annuelle importante est stockée en partie sous forme de bocaux, confitures, compotes ou encore en jus et schnaps pour les poires et les pommes. A proximité des étagères remplies de pots et de bouteilles se dressent 5 grands congélateurs qui permettent de stocker des fruits, ainsi que leur viande bovine ou porcine. Une sacrée réserve qui permet de passer en toute sérénité l’hiver qui peut être froid!


Ici, le rythme de la ferme n’est pas seulement marqué par la traite deux fois par jour, mais aussi par la prière. Avant et après chaque repas, un temps est pris pour remercier Dieu. Tous les soirs, à 19h, la famille se retrouve dans sa chapelle, où se trouve pour les catholiques, la présence réelle du Christ à travers l’hostie consacrée. “Welcome to Paradise” peut-on lire sur la porte qui s’ouvre sur le visage de Jésus… Tout le monde s’installe, prend un chapelet et la guitare lance le début de la prière.

A l’extérieur, un chemin de croix mène jusqu’en haut de la colline où la vue sur les Alpes enneigées est "un hymne à la création" tant elle est à couper le souffle.


La chapelle et le chemin de croix de la ferme


Par ailleurs, la famille accueille régulièrement des groupes de prière et des séminaires religieux où interviennent des consacrés et des laïcs sur des thèmes variés. Une grande salle est prévue à cet effet avec un autel et un orchestre. Elle est surplombée par une mezzanine pour les invités souhaitant dormir sur place et jouxte une salle de jeux.



Pourquoi un orchestre? Parce que tout la famille en compose un à elle seule: guitare, violon, violoncelle, contrebasse, piano, flûte, batterie… Petits et grands jouent d’un instrument! Tenor, baryton, soprano ou alto, toutes les voix se joignent aussi pour faire une belle chorale. Musique et chant résonnent souvent dans la ferme.



La famille Schachreiter rend grâce à Dieu tous les jours pour cette création qui leur fournit leur pain quotidien: « Laudato si’, mi’ Signore », - « Loué sois-tu, mon Seigneur », chantait déjà saint François d’Assise. Dans ce cantique, il rappelle que notre maison commune est aussi comme une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe » (François d’Assise, Cantique des créatures. SC 285, p. 343-345). Leur foi chrétienne est indissociable de leur amour de la nature qui les guide dans leur quotidien. Cet "amour de la Création", ils aimeraient à l’avenir davantage le partager: Jeremias, leur plus jeune fils, instituteur, réfléchit notamment à accueillir des écoles sur la ferme, une façon également de diversifier leurs activités! Ambitieux? « Tout est possible à celui qui croit! » (Marc, 9:23) nous rappelle-t-il avec un sourire...


Marie BAUER et Cécile CAILLAUD

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