C’est non loin du château de Neuschwanstein, le fameux château dont s’est inspiré Disney pour son logo, que se sont installés Gaby et Helmut Kamm. Originaires de Stuttgart, ils désiraient un endroit paisible et proche de la nature. Entouré par les montagnes, le village de Benken, au sud de la Bavière, a satisfait leur désir. Leurs trois enfants, âgés de 18 à 24 ans, vivent encore sur place. L’aînée, mariée, a déjà trois enfants et s’est installée dans une maison attenante.
« Savez-vous comment on appelait les personnes herboristes comme Gaby au Moyen-Âge ?» nous demande Helmut en souriant le jour de notre arrivée. Il nous désigne ensuite dans le salon une sculpture en bois représentant une sorcière. Une sorcière Gaby ? Plutôt une amoureuse des plantes! Experte dans le domaine, elle connaît les propriétés médicinales et les utilisations culinaires de toutes celles qui entourent la maison - cultivées ou non. Tisanes, teintures mères, sels aromatisés, sels de bain... Gaby connaît la manière de mettre en valeur les propriétés des plantes!
“Une connaissance est utile seulement si elle est partagée. ” Gaby
Gaby a suivi une formation en phytothérapie (ou soin par les plantes) pendant un an et demi, et se fait une joie de transmettre son savoir et son savoir-faire sur la ferme. Depuis 2013, elle réalise des cours de 2 à 3 heures, pour une douzaine de personnes. Un cours coûte 25€/personne et permet de découvrir 1 ou 2 plantes de manière approfondie grâce à des ateliers culinaires ou de fabrication de teintures (cf annexe: la fabrication d’une teinture de pissenlit). Ces dernières années ayant été difficiles humainement, Gaby a fait le choix d’interrompre ces cours pour un temps, car ils demandent une préparation conséquente. Il faut dire que les plantes sont uniquement une passion et non un gagne-pain, Gaby faisant du télétravail pour l’entreprise de son mari, couvreur-zingueur.
Préparation d'une teinture de pissenlit...à découvrir en annexe!
Le pissenlit, en tisane ou en teinture, a un effet drainant, renforce les défenses immunitaires et le foie, participe à la formation de la bile, et a une action rhumatismale.
Gaby trouve cependant encore du temps et de l’énergie pour accueillir des étudiants apprentis en école d’agriculture à la journée et pour des stages. Elle partage aussi son expertise aux Wwoofeurs, bienvenus sur la ferme depuis 3 ans. A l’origine, c’était elle qui était intéressée pour faire du Wwoofing lors de ses vacances afin de ne pas être « passive » et apprendre toujours davantage. Elle a alors appelé l’organisation pour savoir comment cela se passait. Finalement, son interlocuteur l’a convaincue qu’elle pouvait accueillir des Wwoofeurs ayant le lieu et les compétences pour !
Des vacanciers sont également de passage à la ferme. Trois chambres d’hôtes sont proposées sur place de 50 à 125 euros la nuit (de 50 à 75m2). Au-delà de 8 jours sur place, un tarif unique par jour est proposé : 50 euros. « J’avais fait une erreur sur le site internet à un moment donné, si bien que c’était affiché que les gens devaient payer 50 euros de plus par jour supplémentaire. Et le plus drôle… c’est que des gens ont réservé ! » nous dit-elle en riant.
Les clients sont nombreux, le lieu étant particulièrement touristique avec ses montagnes et ses châteaux. Cependant, Gaby nous confie qu’elle a beaucoup de difficultés à trouver quelqu’un pour faire le ménage des chambres d’hôtes malgré ses annonces dans les journaux locaux. Il y a en effet un manque de main d’œuvre en Allemagne pour le travail des petites mains, ce que son mari confirme pour sa propre entreprise.
Quelques paysages de l'environnement proche de Benken
Les hôtes, que ce soient les clients, les stagiaires ou les wwoofeurs, sont conquis par le beau jardin entourant la maison. Le beau jardin? Nous devrions plutôt écrire “les beaux jardins”. Le terrain est organisé en effet en plusieurs îlots pour égayer la vue.
« Une télévision. 100 programmes. Bêtises sans fin.
Un jardin. 100 plantes. Diversité sans fin.
Immergez-vous dans mon jardin. »
lit-on à l’entrée du « Bauergarten » ou jardin du paysan, délimité par une barrière en bois. La disposition est héritée du Moyen-Âge. Bordé de bosquets, un chemin en gravier en forme de croix délimite quatre espaces. Le premier sert aux herbes aromatiques (ail, ciboulette, estragon, mélisse citronnée, sauge, marjolaine, camomille, origan…), le 2ème aux plantes à fleurs, qui font le bonheur des insectes, le 3ème à des tests de cultures sur paille et le dernier aux épices servant à la fabrication du pain (anis, fenouil, fenugrec, cumin...). Au centre de la croix se trouve un muret de pierre délimitant un cercle, « symbole du milieu, point central et stable autour duquel tout gravite et qui se retrouve aussi bien dans le cosmos que dans le corps humain » nous explique Gaby.
La culture sur paille...une potentielle solution pour ceux qui n’ont pas de jardin! Une botte de paille dans laquelle on fait un trou qu’on remplit de compost sert de substrat. Pour pallier à l'éventuel manque d’azote, les plantes sont arrosées avec du purin d’orties.
A l’entrée du Bauergarten se trouve une spirale aromatique, un parterre surélevé en forme d’escargot. La structure construite avec des pierres permet de conserver la chaleur et de tempérer les variations de température. Au sommet se trouvent les plantes méditerranéennes qui n’ont besoin ni de beaucoup d’eau, ni de beaucoup d’humus. A la base, au contraire, se plaisent les plantes qui aiment les milieux plus riches et plus humides. Un bassin d'eau est présent au pied de la spirale, stockant la chaleur et réfléchissant la lumière pour les plantes.
Derrière le Bauergarten se trouvent des bacs en bois disposés en “U”. Dans chaque bac se succèdent différentes couches: bois, journal, fumier de cheval et enfin terre. Grâce aux micro-organismes et aux nématodes, la terre originellement pauvre devient un sol fertile, où pousseront les légumes. La hauteur du système diminuant chaque année, du fumier est rajouté une fois par an sous la terre.
A l’autre bout du jardin, se trouvent quatre terrasses délimitées par des planches en bois. Une sert de compost à l’année pendant que les trois autres sont cultivées. Puis, l’année d’après, le lieu du compost tourne. En travaillant la terre en vue d’y planter des poireaux, nous tombons sur des stères en bois enterrées, qui avaient été mises dans le compost précédemment. “Les stères permettent d’aérer le sol et permettent ainsi une meilleure décomposition du compost.” nous dit Gaby.
Gaby a toujours des idées originales pour le jardin! A gauche, un outil pour semer de façon régulière. A droite, une pile de journaux en guise de barrière contre les herbes du pré d'à côté, la barrière en métal initialement présente étant coûteuse et moins esthétique d'après elle.
Au fond du jardin, une zone où sont situés des arbres fruitiers (cerises, prunes, quetsches, pommes, poires) n’est fauchée qu’une fois tous les deux ans. Les pollinisateurs et particulièrement les abeilles s’activent pour butiner pissenlits, compagnons rouges, myosotis, oenanthes… Gaby possède en effet 12 ruches dont deux à proximité directe de la maison. Elle a fait le choix d’une « apiculture naturelle » : elle ne veut pas nourrir les abeilles avec de l’eau et du sucre et ne ramasse donc du miel que lorsqu’elle est sûre que les abeilles en auront assez pour leur propre consommation - notamment pendant l’hiver. La faible production de l’année dernière (30kg) n’a eu aucun mal à être vendue… Il ne leur en reste désormais même plus pour leur consommation personnelle!
Des abeilles qui se font une joie des fleurs de pissenlits...et des lapins qui se délectent des feuilles! Helmut prend soin de 7 lapins, élevés dans des cages individuelles, pour la consommation familiale. Il s’occupe des lapins depuis toujours: ses parents élevaient une centaines de lapins - c’est ce qu’on appelle la cuniculture ou la cuniculiculture - et participaient à des concours.
La fauche de l'herbe par Helmut et son séchage...pour les lapins!
Alors que nous travaillons sur notre article, Gabi nous tend un magazine datant de l’année précédente, ouvert sur le titre suivant « Le jardin écrit les meilleures recettes. Saines et naturelles : qui a dit que les plantes sauvages devaient être amères ? ». L’article est accompagné d’une photo d’elle souriante au milieu de la prairie et nous fait découvrir l’univers des plantes comestibles et médicinales...
Il n’y a pas de mauvaises herbes pour Gaby. Toutes sont utiles à leur manière: certaines ont des vertus médicinales, d’autres sont vitales pour les pollinisateurs, d’autres encore charmeront les yeux du promeneur....
La plante préférée de Gaby: l'ortie! Découvrez la reine des plantes médicinales en annexe.
Lire et se renseigner sur les plantes est un premier pas dans la découverte du monde floral. Observer, tester de nouvelles recettes comme des teintures ou des tisanes, permet également de beaucoup apprendre. Gaby prend le temps de comprendre le milieu de vie de la plante, sa façon de croître. “Qu’est-ce que la plante m’inspire et quelle comparaison puis-je faire avec l’organisme humain?”
Gaby pense qu’il existe une communication entre les plantes et l’Homme. Parfois, certaines plantes poussent de manière importante dans le jardin, et Gaby remarque que ce sont justement celles dont certains membres de la famille ont besoin à ce moment-là. Pousseraient-elles pour aider les hommes? Elles sont en tout cas d’un grand secours pour se soigner (vous pouvez découvrir en annexe les vertus de quelques plantes de nos jardins) !
Gaby limite ainsi l'utilisation des antibiotiques. “Avec les plantes, on met peut-être un peu plus de temps à se soigner, mais on peut limiter la consommation d'antibiotiques aux cas où l'on en a réellement besoin. La médecine traditionnelle reste bien sûr importante.” nous dit-elle. Une bonne chose lorsque l’on sait que de grandes quantités d'antibiotiques sont libérées dans les cours d'eau par les rejets des stations d'épuration ou par les ruissellements naturels. Dans ces zones en particulier, les bactéries apprennent à s'adapter et résister à ces substances. L’ONU a déclaré le mois dernier que l’augmentation de bactéries résistantes était une urgence sanitaire mondiale qui pourrait tuer 10 millions de personnes d'ici 2050. [1]
Gaby pense aussi qu’une teinture mère ou une tisane est réussie si la personne les préparant se sent bien, les plantes captant des informations sur les personnes qui les entourent. “Je suis sûre que votre tisane sera réussie.” nous dit-elle alors que nous chantions en ramassant et triant les feuilles de mélisse et d’origan en vue de les faire sécher pour des décoctions. Eh oui… les plantes seraient sensibles à la parole et à la musique!
En haut, les teintures mères. En bas, des plantes en séchage pour de la tisane (pissenlit, mélisse et marjolaine).
La production reste pour la consommation personnelle et pour les vacanciers de passage (sauf pour les teintures, qui ne sont que pour des connaissances). Auparavant, Gaby faisait également le marché deux fois par semaine en été, chose qu’elle a arrêté par manque de temps.
Le lieu où les hôtes peuvent se servir: tisanes, sels parfumés, sirops, œufs, confitures, lait...
Produits sur place ou par des voisins!
Le soin par les plantes… C’est aussi le principe de l’homéopathie. Les controverses sont nombreuses sur le sujet mais Gaby croit à son efficacité. Certes, elle reconnaît que la matière première issue d’une plante est tellement diluée qu’elle n’est pas mesurable dans le produit final. Mais l’information portée par la plante serait transmise et celle-ci serait d’autant plus forte et pure que la matière première est diluée, selon elle. Alors, effet placebo ou non? Gaby pense que non, étant donné que les enfants et les animaux pourraient être soignés par l’homéopathie et que ces derniers ne sont pas sensibles à l’effet placebo.
Ami lecteur… Tu connaissais très certainement l’homéopathie. Mais connais-tu les Fleurs de Bach? Le Docteur Bach les définissait comme des élixirs floraux capables de soulager les maux physiques et spirituels et ce, sans effet secondaire [2]. Les fleurs cueillies sont déposées en plein soleil dans des bols d’eau et après quelques heures de macération sont retirées du liquide sans toucher ce dernier. Après l’ajout d’un volume d’alcool égal à celui de l’eau pour la conservation, on obtient un élixir floral. Tu es torturé mentalement derrière un visage souriant? Essaie l’élixir à base d’aigremoine! Tu es excessivement enthousiaste ou révolté face à l’injustice? Un élixir à base de verveine devrait t'aider...
Le Docteur Bach a mis au point son procédé de fabrication en observant les gouttelettes de rosée déposées sur les pétales des fleurs le matin et avait alors pressenti que la chaleur du soleil permettait de transmettre ce qu’il a appelé "l’énergie vibratoire" des fleurs aux gouttes de rosée. [2]
Les possibilités avec les plantes sont quasiment infinies et Gaby l’a bien compris. Les plantes peuvent nous nourrir mais aussi nous soigner, à condition que l’on soit prêt à les apprivoiser et à changer notre regard sur les plantes qu’on appelle parfois “indésirables”. Changer.... Le changement, pour elle, commence d’abord par se changer soi-même.
« On peut dire ce que l’on veut sur les politiques, mais le changement doit surtout se faire par les personnes elles-mêmes. Chaque consommateur devrait se remettre en question et être notamment responsable lors de ses achats en achetant local et de saison le plus possible. »
Une réflexion qui nous rappelle celle que Gandhi avait eue au siècle dernier:
“Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde.” A méditer!
Marie BAUER et Cécile CAILLAUD
Liens:
[1] Des niveaux « dangereux » d'antibiotiques trouvés dans les fleuves, Les Echos, Leila Marchand, publié le 27/05/2019.
[2] Fleurs de Bach : comment prendre les élixirs de fleurs ?, DoctiPharma, Sandrine Nail-Billaud, docteur en pharmacie, publié le 30/03/2017.
e-Annexes:
Les vertus de quelques plantes de nos jardins:
https://drive.google.com/open?id=1VRJsgfKRKGIbUsAnAjeKFSkqThABT62z
La recette de la teinture mère de pissenlit: https://drive.google.com/open?id=1fbwDUmpVWi9RxFxojO2pSimU_qBYbgRj
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