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Chez Solange, entre reprise familiale et envie de transmettre : il n’y a qu’une confiture !

Dernière mise à jour : 16 sept. 2020

L’eau qui ruisselle le long du jardin fleuri de la maison de Solange nous berce dès notre arrivée. En suivant la rigole, on arrive au leyté* utilisé depuis toujours par sa famille pour la fabrication du beurre. Fidèles à la tradition campanoise, ses parents élevaient ici brebis et vaches. Il y a de ça 23 ans, Solange a repris la ferme et s’est installée en petits fruits pour produire des confitures. Un récit paysan à la croisée des générations d’agriculteurs.

Vigilance sur la cuisson de la confiture fraise-rhubarbe !



Une ferme à taille humaine, respectueuse de son environnement


Sensible à la beauté de son lieu de travail, Solange apprécie tout particulièrement la vue sur les montagnes depuis sa petite parcelle de moins d’un hectare et sur la forêt depuis son atelier.

Vue depuis son jardin. A droite l'ancienne grange abrite l’atelier de production ainsi que la boutique. A gauche, la maison de Solange.

Un cadre qui la pousse à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement : on retrouve ainsi des inter-rangs enherbés dans sa parcelle et de la tonte ou du broyat de bois qui servent de couvert aux pieds des petits fruits déjà amendés par du fumier de brebis et de poule. Elle fait le choix de ne pas appliquer de traitement chimique et à part la tonte, rien n’est mécanisé.


Le broyat est récupéré auprès de la commune de Ste Marie de Campan. Il est répandu généreusement au pied des fruitiers pour limiter l’enherbement.

C’est son intuition qui guide ses choix techniques. Elle teste et si quelque chose ne fonctionne pas, elle fait autre chose. Si une culture ne prend pas, elle en essaye une autre. Elle n’hésite pas à demander conseil aux woofeurs de passage et est motrice dans l’organisation de formations dans la région. : “Quand je me suis installée, j’étais la seule en petits fruits et il n’y avait aucun conseiller technique à la chambre d’agriculture des Hautes-Pyrénées. Je suis super contente maintenant que des jeunes s’installent en petits fruits ici ! On se donne des conseils, on échange…”. Travaillant seule sur son exploitation, elle fait en effet partie de groupes d’échanges de techniques agro-écologiques car elle aime à s’inspirer de l’expérience d’autres agriculteurs qui produisent dans la même optique. De plus, Solange est à l'affût d’articles pouvant éventuellement l’aider à gérer ses problématiques, telle que la présence drosophiles, qui pondent dans les fleurs et dont les larves mangent ses fruits rouges.

C’est ainsi que nous avons toutes ensemble élaboré des pièges à drosophile, à partir de bouteilles recyclées remplies de liquide sucré***


Cette envie de prendre soin du cadre naturel dans lequel elle a grandi est un enjeu pour Solange. En effet, ce n'est pas si simple d'hériter du fruit du travail d'une vie de ses parents.


S'installer sur les terres familiales : une reprise laborieuse


C'est dans les Hautes-Pyrénées que Solange a grandi. Dans la vallée de Campan, ses parents détenaient un cheptel de 150 brebis et 12 vaches pour produire de la viande mais aussi du lait et du beurre pour leur propre consommation.


La maison familiale, une architecture typiquement campanoise avec la cour intérieure pavée de galets aujourd’hui recouverte par les herbes


Si ses parents ne lui transmettent pas l'envie de s'installer, Solange suit pourtant une formation agricole : « C'était plutôt paysagiste qui me plaisait, mais il fallait avoir un dos solide. Ce n'était pas du tout mon cas avec ma sévère scoliose. J'ai donc choisi de suivre les copains qui faisaient un BTS agricole ». Et dans la bande, Philippe, son conjoint aujourd’hui. C'est lors d'une visite de ferme pédagogique dans le Jura que le premier déclic a lieu. Puis de retour dans la région bordelaise, Solange travaille à l’AFOCG, association d’aide à la gestion comptable pour de petites exploitations. Elle accompagne ainsi de nombreux projets agricoles de diversification innovants qui la confortent dans son idée de devenir agricultrice.


Lorsque sa mère tombe malade, Solange et son mari prennent la décision de regagner la vallée. Ils restaurent finalement l’ancienne grange familiale, afin d’y habiter, après avoir cherché en vain à acheter aux alentours. Enceinte de son premier enfant, Solange choisit d’installer son exploitation sur les terres familiales. Elle commence la production de petits fruits et de confitures après son accouchement.


Une activité nouvelle dans la région : « Mon père m’a dit : mais qu’est ce que tu fais à mettre des ronces dans mes prairies ?  » Ce dernier a en effet beaucoup de mal à accepter l’activité de sa fille. Ce sera donc sans les encouragements de son père qu'elle franchira un à un les obstacles d'une installation agricole en montagne. C’est avec émotion qu’elle se rappelle : « Il savait comment jouer avec ma culpabilité quand j’ai repris la ferme ». Son père aurait voulu qu’elle reprenne l’exploitation animale, sans rien changer au bâti, sans modifier ce qu’il avait construit tout au long de sa vie : « mais je ne me sentais pas la fibre animale, trop accaparante ».


A gauche : Les “ronciers” domestiqués s'élancent vers la chaîne Pyrénéenne


Au fil du temps, les tensions liées à la transmission se sont apaisées : « Même si l’agriculteur Pyrénéen ne montre pas ses sentiments, il a fini par être fier de ma réussite ». Aujourd’hui, Solange mesure sa chance d’avoir hérité de terres agricoles. Elle reste cependant touchée par la problématique de la transmission agricole, tout particulièrement lorsqu’ on discute du reportage « Retour à la terre » diffusé dernièrement.




La vie à la ferme : un écart générationnel


C’est qu’entre deux générations d’agriculteurs, l’investissement en temps de travail a radicalement changé. En comparaison avec ses parents, Solange aspire à un rythme de vie plus soutenable, avec du temps libre pour sa famille et ses loisirs. Elle nous raconte : « Ma mère travaillait 4 fois plus que mon père. Elle faisait le potager, elle gérait les 5 enfants, la popote pour 8 et elle aidait mon père aux travaux. » Car à l’époque, la répartition des tâches dans les couples laissait peu de temps de répit aux femmes : « Ma mère était la seconde de mon père. »


A l'inverse, dès le lancement de sa ferme, Solange a appliqué des idées bien à elle, sans se soucier de l’avis de son père. Et s’il arrive à son conjoint Philippe de lui donner un coup de main sur les très gros chantiers, Solange gère seule les travaux agricole de sa ferme. Au sein du couple, il est très clair que c’est elle, en tant qu’agricultrice, qui doit gérer les contraintes de son métier ! Le couple aime cependant se retrouver au potager, une activité qui les réunit le soir après leurs travaux respectifs.


« Randonner, ça n’existait pas. Du temps de mon père, l’unique occasion de marcher dans la montagne était lorsqu’on amenait le troupeau en estive ou qu'on venait lui apporter des soins. Tout avait une vocation de travail derrière. Le loisir ça n’existait pas. »


Les temps libres de Solange sont rythmés par ses nombreuses passions, comme l’aquarelle entre copines, ses cours de natation et de pilate hebdomadaires et surtout les randonnées en montagne ! Des passions qu’elle développe aussi dans son métier, en proposant des pots de confitures coiffés de petits napperons fait-main ou encore des boîtes cadeaux qu'elle décore.



Les pots de confiture recouverts de leur petit carré de tissu coloré… LA marque de fabrique des confitures de Solange !



Trouver des compromis entre vie professionnelle et familiale


Se dégager du temps libre n’a pourtant pas été chose facile pour Solange, qui travaille seule sur sa ferme à un rythme parfois effréné. Trouver le juste équilibre est une affaire de temps et d’expérience. Son mari Philippe se rappelle de l’installation de sa femme : « Solange travaillait beaucoup, on avait les deux enfants encore petits, on retapait la grange et on n’habitait pas sur la ferme… Quand je repense à cette période, je me demande comment on a fait ! ». Une situation qui pousse le couple à repenser leur projet familial : alors que Solange avait toujours rêvé d’avoir une grande famille, ils décident finalement de s’arrêter à deux enfants.


Car certaines périodes sont particulièrement intenses : l’été, les activités battent leur plein et les journées s’enchaînent entre cueillettes, ateliers avec les clients et transformation : « Et l’hiver, ce n’était guère mieux. Normalement, c’est une période plus calme. Mais pendant 15 ans, j’ai travaillé dans une association où je fabriquais des poupées en tissus à mi-temps annualisé pour compléter le petit revenu que j’arrive à me dégager grâce à la ferme. »


Le robot coupe, un gain de temps précieux pour la découpe des tiges de rhubarbes fraîchement cueillies


Et c’est donc toute l’année que Solange turbine, avec un regret, celui de ne pas pouvoir partir en vacances avec sa famille : « Au début, quand les enfants étaient petits, ça me crevait le coeur de les voir partir tous les 3 alors que je restais sur la ferme tout l’été à m’affairer. » Maintenant que ses enfants sont étudiants, le rythme s’apaise et Solange peut envisager de concrétiser ses rêves de voyage. Enfin !



Un moteur pour le dynamisme de la vallée de Campan


En parallèle de son travail très prenant, Solange a toujours été actrice dans l’organisation de festivités autour des productions agricoles de la vallée.

Ses confitures sont en partie commercialisées en vente directe, ce qui lui permet d’échanger avec ses clients, de leur présenter la ferme et ses pratiques. Elle se plaît aussi à organiser des goûters à la ferme. Avec une amie ethno-botaniste, elle crée en parallèle un atelier de sensibilisation à la cueillette des plantes sauvages comestibles.



La boutique de la ferme aménagée dans l’ancienne grange de la ferme familiale, où Solange organise des goûters


Car Solange aime les projets collectifs. En 2018, elle monte ainsi l’association “Les Chemins Gourmands”, dont elle est présidente. Cette association rassemble des producteurs locaux, qui organisent ensemble des buffets sur sa ferme. Une formule qu’elle fait évoluer dans le cadre d’une nouvelle association “Miam”, qu’elle co-fonde en 2019. Ce sera désormais autour de “soirées tapas” à la ferme que se réuniront locaux et touristes de passage pour déguster les produits des paysans du coin.

Autant d’activités qui illustrent bien le dynamisme de Solange, son envie de rencontres et d'entraides pour faire vivre la vallée. D’ailleurs, sa ferme au cadre idyllique se prête parfaitement à ce genre d’évènements.



L’envie de transmettre avant tout


Et depuis toujours, c’est le partage et l’envie de transmettre qui motivent Solange dans son activité. En 2010, elle saute le pas et sollicite la chambre d’agriculture pour suivre une formation ferme pédagogique. Au total, 10 agriculteurs bénéficient de son initiative : « On est encore 4 agriculteurs aujourd’hui à proposer cette formule. Concevoir des activités pédagogiques, c’est beaucoup de préparation ». Solange accueille désormais des centres aérés et des écoles pour des visites, des goûters à la ferme et de nombreuses activités telles que la confection de confitures, de pots, et des quizz sur les fruits par exemple.


Solange se creuse la tête pour concevoir des activités pédagogiques pour ses visiteurs. Elle propose ici un atelier sur l’origine géographique des fruits qu'elle a elle même confectionné.


Des moments forts : « Moi même, je n’étais pas parmi les meilleures élèves à l’école. Aujourd’hui, je suis très touchée quand je vois que le petit, dont la maîtresse m’a dit de me méfier , qui me regarde avec des yeux brillants et participe à mes activités avec beaucoup de concentration !... » Elle a à cœur de susciter de l’intérêt pour l’agriculture et pour la consommation responsable, voire même des vocations, quel que soit le niveau scolaire.

Un engagement que Solange prolonge auprès des adultes. Depuis 2 ans, elle accueille ainsi beaucoup de woofeurs sur la ferme : une vingtaine à ce jour ! Si ces derniers lui donnent un sérieux coup de main, c’est surtout les instants de partage qui motivent Solange à accueillir de plus en plus de gens sur sa ferme. Et c’est toute la famille qui s’investit pour recevoir les gens de passage dans un univers plein de bienveillance. Chacun laisse d’ailleurs sa recette préférée à la fin du séjour, dans un livret d’or. Les woofeurs étrangers sont particulièrement les bienvenus : « le woofing, c’est vraiment un moyen de s’imprégner de la culture des gens, on vit des moments très forts ensembles ». Une manière alternative de voyager depuis chez soi ?


Solange nous montre un exemple d’activité pédagogique autour de sa production : ici il s’agit d’un questionnaire sur les fruits


Solange, fille d’éleveur, a relevé le pari de reprendre la ferme familiale en y développant son propre projet, indépendant de celui de son père. Son approche plus sociale que technique de la ferme lui donne le goût de faire découvrir la culture de petits fruits et la transformation, en particulier aux plus jeunes. C’est son envie de partage qui la guide et qui développe chez elle sa grande générosité.





Le jardin de Solange, plongez dans l'univers technique



Portrait d'un leyté, une installation typique de la région Campanoise.



Le leyté est une petite niche de pierre au fond desquelles s’écoulent des rigoles d'eau fraîche venant de la montagne. On le trouve souvent dans les courtaou, ces cabanes où logeaient les bergers en estives, ou dans les granges de la vallée de Campan. Il permettait de garder le lait au frais pour en assurer la conservation et favoriser la séparation du lait et de la crème. La crème était ensuite utilisé pour la fabrication de beurre.


Portraits fruitiers, ces petits fruits méconnus cultivés par Solange

Les bleuets ou myrtilles cultivées : la star des fruits rouges de la vallée. Que ce soit pour relever le goût de la tourte, pour adoucir la rudesse de la vieille tomme de brebis. Ce petit fruit ne manque pas de qualités !



Les mûroises : La mûroise (Rubus × loganobaccus) mûre-framboise est un fruit issu d’un croisement probablement accidentel ou naturel d’une ronce sauvage de Californie (Rubus ursinus) avec un framboisier (Rubus idaeus). Avec un goût proche de celui de la framboise et une grosseur comparable à celle de la mûre ! C’est un petit fruits intéressant à cultiver pour les amateurs de framboises.

Ceux qui l’ont découvert en ressortent complètement séduits !



Pièges à Drosophiles : l'astuce de Solange


Les drosophiles, ces toutes petites mouches qu'on aperçoit souvent sur les fruits mûrs, pondent dans les fleurs des mûriers. Les vers mangent les fruits ce qui cause pas mal de pertes dans le jardin de Solange.

  • Peindre le haut de la bouteille en rouge vif, couleur qui attire particulièrement les drosophiles

  • Percer 20 trous de 4mm de diamètre à mi-bouteille. Le diamètre permet d’éviter de piéger d’autres insectes.

  • Placer dans le fond un mélange eau/vinaigre/sucre.

  • Accrocher les bouteilles au pied des mûriers pour ne pas qu’ils soient trop visibles de loin. (Risque d’attraction de drosophiles sur le jardin.)



Les Mounaques, des poupées de chiffons vestige d'une tradition matrimoniale singulière de la vallée de Campan


Ces poupées sont emblématiques de l’histoire de la vallée. Elles étaient fabriquées lorsqu'un mariage allait à l’encontre des coutumes et intérêts de la communauté de vallée. Elles servaient à caricaturer les nouveaux mariés et étaient promenées dans le village pour leur faire honte lors de grands charivaris. Pas d'autre choix pour le couple de jeunes mariés que d'offrir à boire et à manger à l'ensemble du village pour rétablir la paix ! Une tradition heureusement révolue aujourd'hui !


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