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Céline, paysanne-sorbetière énergique pour un projet gourmand et atypique

Au bout du chemin de Trassouet, à l’orée d’un petit pont traversant l’Adour, se dressent arbres, arbustes et culture maraîchères de la ferme de Céline. Nichée dans un écrin de verdure, Céline Mermet cultive des petits fruits. Une production qu’elle sublime en de délicieux sorbets dans son atelier à la ferme. Récit d’une aventure agricole débutée en 2016.


Céline nous fait visiter son exploitation dont cette grange en arrière-plan qui regorge de reliques de traditions campanoises.


Une passion pour la culture de la terre en héritage

Aujourd'hui âgée de 30 ans, Céline croit en l’épanouissement du fruit de son travail. Si elle ne vient pas d’une famille d’agriculteurs, elle admire le jardin de son père depuis sa tendre enfance. Outre son goût pour le jardinage, cet amateur de vin au palais affiné lui transmet aussi sa passion pour les bons produits et les saveurs originales. L’un de ses 2 frères ainés s’est aussi installé dans son département de jeunesse en Deux-Sèvres.

C’est après deux masters en géographie qu’elle rencontre Fabrice, lui sortant d’un parcours d’études en musicologie. A ses côtés, elle découvre la vallée de Campan, berceau familial de ce dernier.

Céline tombe sous le charme de cette vallée qui coule du col de Tourmalet et du col d’Aspin vers Bagnères-de-Bigorre, et qui est surplombée par le pic du Midi. Elle se voit bien y rester. A cette époque, elle anime des colonies d’été avec Fabrice.


A flan de montagne on distingue la ferme de Trassouet avec une serre en construction, ses granges, son atelier de transformation des sorbets et son jardin de petits fruits.


C’est finalement l’opportunité de reprendre les terres familiales de Fabrice qui les décide à franchir le cap. Céline, inspirée par des amis installés en maraîchage dans le Lot et en Haute-garonne, se lance de même dans cet univers escarpé. Et puisque personne n’en fabrique aux alentours, c’est en sorbets qu’elle valorise sa production dans son atelier.


Une ambition qui sert de moteur à l’expansion de la ferme et qui rythme les journées

Pour pouvoir vivre de sa passion et assurer la pérennité de sa ferme, Céline ne ménage pas ses efforts. Même en ne cultivant que 6000 m2 de terrain, le choix de limiter au maximum la mécanisation et de ne pas traiter chimiquement implique un travail colossal. En effet, il s’agit de trouver des alternatives telles que l’épandage de purins végétaux (ortie, consoude et fougère) ou encore des dilutions d’huiles essentielles pour lutter contre les ravageurs et le désherbage manuel pour diminuer la compétition des adventices sur les cultures. Il s’agit par ces pratiques, de respecter l’environnement tout en assurant une production viable.

C’est d’années en années que la partie cultivée gagne du terrain. A la première parcelle de petits fruits, où s’épanouissent fraisiers, framboisiers, mûroises et autres groseilles, s’ajoutent peu à peu des potagers et des rangs de fruitiers francs et nanisants***. Une manière de compléter la diversité des parfums de sorbets proposés, avec une gamme potagère. Elle cultive ainsi concombres, betteraves, basilic et de fruits tels que des pêchers, pruniers, akebias*, canneberges ou encore des baies de mai.


« Entre les limaces et les grands campagnols, on a beaucoup de mal à garder nos fraisiers ! Mais on a été obligé d’en planter beaucoup au début car ça donne dès la première année de plantation contrairement aux autres espèces de petits fruits » explique Fabrice. « On a planté plusieurs variétés pour étaler les récoltes et pour voir lesquelles seraient les plus rustiques. Et puis, la fraise, c’est un parfum incontournable pour les sorbets. »


Cette année encore, une nouvelle serre a été montée et plusieurs ares de prairies naturelles sont peu à peu transformées en verger-potager depuis le mois de décembre. «Avec Fabrice, on a travaillé à la station de La Mongie cet hiver pour financer les nouveaux investissements. On n’avait qu’un jour de congés par semaine pendant lequel on travaillait sur cette parcelle. C’était crevant ! » raconte Céline.


La nouvelle parcelle alterne rangs de fruitiers et rangs de cultures potagères. Le voisin a posé ses ruches dans le fond du terrain : un plus pour la pollinisation du jardin !



« Acheter une serre à monter de toute pièce, c’est compliqué financièrement. On a préféré construire nous-même celle-ci à partir d’un modèle qu’on a pris dans un livre de permaculture. C’est un modèle adapté à la montagne, avec un toit pentu pour éviter que la neige ne s’accumule sur la bâche. Et puis on ne va pas se mentir, c’est quand même plus esthétique non ? »


La charge mentale d’une exploitation : une gestion qui nécessite persévérance et courage

Une expansion fulgurante qui résulte d’un investissement considérable en temps et en énergie. Il n’est ainsi pas rare de voir Céline se lever à l’aurore avant tout le monde, notamment pour aller répandre le purin d’ortie sur les fraises. “Quelques fois, elle a dû passer la nuit au labo pour aller turbiner des sorbets la veille de gros marché” raconte Fabrice.


Une fois récoltées, les fraises n’attendent pas, il faut s’atteler tout de suite à leur transformation pour éviter qu’elles ne s’abîment !


Car en tant que cheffe d’exploitation, Céline est très exigeante envers elle-même. Une pression qui se répercute parfois sur sa vie privée. Difficile de balancer la vie de couple et le développement de la ferme lorsqu’on débute un projet agricole sans compter ses heures. Pas évident de trouver une organisation du travail qui permet d’équilibrer les deux. Si les échanges sont parfois vifs, les orages ne sont jamais bien longs. Le jeune couple est bien déterminé à vivre à fond son aventure dans cette vallée qu’ils chérissent, en unissant leur force de travail.


S'ils travaillent sur le même lieu, ils gardent une certaine indépendance et se divisent les tâches sur la ferme : quand Céline vaque à ses occupations dans le laboratoire, Fabrice entretient les jardins, et vice versa : « on est chacun capable de faire toutes les tâches, mais on aime bien avoir notre petit chantier personnel » précise Céline.


Un projet pensé avec le cœur. Une créativité stimulée par son affinité prononcée avec la nature et l'expérimentation

S'appuyant sur des principes agroécologiques, Céline et Fabrice construisent peu à peu leur jardin-verger et façonnent leur environnement en un cadre sain et esthétique.


“Grâce à leur activité, Céline et Fabrice donnent un nouveau visage à la vallée. Alors qu’on voyait la forêt s’étendre faute d’agriculteurs, le paysage s’ouvre à nouveau.” s’enthousiasme Didier, un habitant du coin.


Si vous passez à Trassouet, vous découvrirez ainsi un bananier en escapade dans la serre, ou un poivrier du Sichuan ou encore un gingko… C’est typiquement des petits plaisirs personnels pour lesquels ils n’ont pas encore trouvé de vocation de production, mais ça ne saurait tarder !


Le bananier maître de la serre, attire les curieux.

Car les deux agriculteurs partagent un goût pour l’esthétique et l’originalité : « On tente, on essaye, on aime l’expérimentation, les fruits méconnus aux noms originaux. Comme l’akebia, on en a planté pour rigoler, on ne sait pas trop quel goût ça a, mais ce sera notre cacao local ! ».


Outre ces drôles de plantes méconnues, Céline aime à introduire des espèces décoratives autant que gustatives comme les physalis vertes et violettes plantées aux côtés des plants d’aubergine dans la serre : « Ça fera des décors pour nos bûches glacées de Noël. »

En complément, elle profite des plantes sauvages que lui offre la forêt comme la consoude ou l'ortie pour la fertilisation et l’immunité de ses plantations. Elle fait aussi de la cueillette sauvage de fleurs de sureau pour ses sorbets.

Avec une telle panoplie d'espèces et de variétés, elle ne manque pas d’inspiration en ce qui concerne la sortie d’un nouveau parfum ! Plus d'une trentaine au total, sans compter ceux à venir.



Ce pot en plastique de sorbet à la fleur de sureau sera bientôt remplacé par des pots en verre consignés !


En effet, elle a à coeur de faire découvrir de nouveaux horizons gustatifs à ses clients, de plus en plus nombreux. « Souvent sur mon stand au marché, on me demande une boule de vanille. Je leur dis que je n’en ai pas mais que j'ai mélisse ou fleur de sureau plutôt ! Pour nous, c'est une manière de participer à l'éducation au goût. Il nous arrive d’ailleurs de faire des ateliers avec des écoles et des centres pour enfants autistes. » raconte Céline.


Céline et Cyrielle confectionnant le nappage des sorbets à la fraise. Il faut les tremper dans le chocolat fondu et les égoutter rapidement pour que le chocolat se fige avant de mettre l’esquimau au surgélateur à -35°C. Il semblerait que le métier de paysan-sorbetier en intéresse plus d’une…


Pour sa troisième saison de production, les sorbets de Trassouet sont victimes de leur succès et Céline se trouve régulièrement à court de stock. Son unique frein est la capacité de stockage des sorbets, ce qui l’amène à travailler à flux tendus. Sa dernière création, l’esquimau aux fruits, s'arrache comme des petits pains. Entre fraise-chocolat noir ou framboise-chocolat blanc, le choix s’avère bien difficile !


Les Esquimaux à la fraise fraîchement nappés sont placés dans le surgélateur. Une nouveauté !


C’est ainsi que Céline réussit à nous séduire, par la culture de petits fruits et la production de sorbets. Par sa volonté et sa passion qui lui apportent énergie, persévérance et créativité.

Être une femme agricultrice et même cheffe d’exploitation c’est possible et ça demande une sacrée dose d’audace !

Nous avons eu l’honneur de façonner de nos mains les esquimaux des prochains marchés. A bon entendeur 😊





Plongez au coeur de la production, quelques éléments techniques !




Porte-greffe nanissant VS porte-greffe franc

Un porte-greffe est un arbre sur lequel on implante un greffon par une soudure. le porte-greffe nourrira le greffon (alimentation en eau et en sel minéraux) et le greffon fournira les fruits.

Le porte-greffe a pour principale mission d’adapter une même variété de fruits à des sols différents. Le rôle du porte-greffe sera de mieux répartir la sève dans la partie greffée et de lui conférer certaines qualités.

Le choix du porte-greffe est en grande partie responsable de sa vigueur, de sa hauteur et de la rapidité de la fructification. Il est ainsi déterminant pour la conduite de l'arbre fruitier.

Le porte-greffe nanisant est souvent plus sensible à la sécheresse, au calcaire et au vent, même si n'est pas une généralité. Il faudra alors lui fournir une armature solide de palissage et de tuteurage avant la plantation (poteau….). Ceux-ci sont adaptés pour des arbres buissonnants ou à courtes tiges par exemple. Le porte-greffe franc est à forte croissance et servira à former un arbre à hautes tiges. Il est particulièrement adapté pour des arbres de plein vent.



Portrait de fruit

L’akebia trifoliata (ou chocolate vine, vigne-chocolat en anglais) est originaire du Japon et de Chine. Il s’agit d’une plante grimpante qui peut aller jusqu’à 9m de long. Ses fleurs sont nectarifères ce qui permet d’attirer des insectes pollinisateurs. Ses fruits sont plutôt fades et peu sucrés.



A gauche : Le fruit contient une pulpe blanche similaire au fruit du cacaoyer.

A droite : Les fleurs violettes sont regroupées en grappe.


La vie cachée dans l’atelier de fabrication des sorbets

Dans le laboratoire de Céline, on trouve un surgélateur qui descend jusqu’à une température de -35°C pour finaliser la préparation des sorbets. Les premières étapes servent à la préparation de la purée de fruits et de l’ajout de la quantité adéquate de sucre qui permet de donner une onctuosité au sorbet et d’améliorer sa conservation.

On trouve aussi un robot-coupe qui permet de transformer les fruits entiers en purée, un réfractomètre qui permet de contrôler la teneur en sucre d’un fruit à la cueillette et une turbine qui sert à donner la texture onctueuse au sorbet.


Voici les étapes de la transformation du sorbet à la fraise :


1) Cueillette




2) Nettoyage



3) Epépinage avec le robot-coupe muni d'un filtre 1 mm de diamètre



4) Obtention d'une purée de fraise



5) pesée et mesure du taux de sucre des fruits pour calculer la quantité de sucre à a ajouter

6) Ajout de sirop de sucre chaud

7) Structuration du sorbet : le turbinage

8) Mise au surgélateur pour que la glace prenne vite

9) Vaisselle minutieuse, pour une hygiène irréprochable dans l'atelier



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