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Sandrine et son jardin-verger, une aventure entre autonomie et diversité

Dernière mise à jour : 16 sept. 2020

A flanc de colline dans les Baronnies, se trouve la maison terre-paille de Sandrine et Pierlo, un lieu écologique parsemé par les haies, les arbres et les potagers. Des serres par-ci, un biométhaniseur par-là, ou encore un atelier de récup et d’outils en tout genre. Chevaux, poules, chiens et chats prospèrent en bonne compagnie face à une vue panoramique sur les Baronnies.


C’est la recherche d’autonomie qui a fait naître ce lieu de vie. Depuis 2 ans, tapenades, chutneys, compotes, Ya’fruits* et autres pestos y sont confectionnés avec beaucoup de soin et d’attention. Sandrine nous raconte ainsi l’histoire de son jardin-verger devenu exploitation agricole.




Un imaginaire construit à deux.


Même si Sandrine est seule à gérer sa ferme, ses projets ont toujours été pensé en accord avec le mode de vie qu'elle partage avec Pierlo, son conjoint. Lorsqu'elle nous raconte son aventure, c'est toujours la première personne du pluriel qui est employée.


C’est à Strasbourg que Sandrine rencontre Pierlo. Alors en thèse en biologie moléculaire, elle se voit proposer un poste dans une entreprise de recherche sous contrat. Après quelques années dans la région, le couple déménage à Nîmes pour suivre l'entreprise de Sandrine qui change de site. Mais peu à peu, tous deux aspirent à vivre plus proche de la nature, à avoir plus de temps avec leurs enfants, et surtout à construire leur maison et produire leurs fruits et légumes. “ Cette aspiration, qui était probablement un rêve au départ, s’est imposée à moi comme quelque chose de finalement possible à un moment donné. ” confie Sandrine.


Pierlo et elle font en effet le constat d'un monde professionnel cloisonné, où chacun est enfermé dans une spécialité bien particulière. Une organisation qui selon eux nous rend dépendants et nous prive de notre liberté de pouvoir faire soi-même. En parallèle, ils se sentent de plus en plus responsables de leur impact sur l'environnement et de l'empreinte qu'ils laisseront derrière eux. Autant de constats qui les guident dans leur changement de mode de vie.


Au jardin de Sandrine, on pense recyclage et autonomie énergétique ! Le biométhaniseur, attenant à l’atelier de transformation, fournira bientôt du gaz pour la cuisson des fruits et légumes. Il a été mis en place par Pierlo en collaboration avec les associations ARDEAR, Picojoule et APESA.



D'un projet de vie tourné vers l'autosuffisance à un projet agricole.


C'est au Plaa debat qu'ils trouvent leur nid idéal, perché à flanc de colline dans les Baronnies, au nord des Hautes-Pyrénées. En ce lieu, ils commencent à construire leur maison terre-paille, avec comme crédo la résilience et l'autonomie. Amis et woofeurs se succèdent et, en 5 ans, leur maison sort de terre.



« Puisque c’est moi qui ai construit la maison, je peux prendre en main les réparations si nécessaires. » nous explique Pierlo.


Si la gestion du chantier de la maison est l'affaire de Pierlo, Sandrine s'implique à sa manière, en développant son potager pour nourrir les woofeurs de passage. Elle y prend très vite goût, et ce qui devait être un potager familial prend alors des allures de projet agricole. En 2018, Sandrine saute le pas et s'installe pour de bon en tant qu'agricultrice.


Entre autre limitée par la petite surface de son terrain, elle prend rapidement conscience que son activité ne peut être basée uniquement sur la production végétale. La transformation s’impose pour valoriser sa production et pour pouvoir vivre de son activité. Cela favorise aussi la diversité des activités au quotidien. « Je confectionne des tartinades de légumes, des desserts de fruits, et bien sûr des coulis pour fabriquer et aromatiser mes Ya'fruits*. Ce sont des yaourts au lait végétal de ma propre création. En fonction de la production et du temps dont je dispose, je prépare aussi des chutney, des pestos, des plantes séchées ou encore des sels aromatiques. » détaille Sandrine.


“L’installation du système de goutte-à-goutte dans les serres, c’est Pierlo qui s’en charge" assure Sandrine. Si elle s'occupe de l'ensemble de la gestion des cultures et de la transformation, elle peut compter sur l'appui de son conjoint pour les divers bricolages sur la ferme.


Mais passer d'un projet de potager familial à un projet agricole relève du défi : le dimensionnement et l'organisation spatiale des jardins n'ont en effet pas été pensés dans un objectif agricole. De petites tailles, les carrés de jardins sont ainsi répartis tout autour de la maison, ce qui complique l'organisation des travaux et peut faire perdre beaucoup de temps. « C’est là qu’on voit qu’on est pas des pros. » plaisante Sandrine. Même si ce n’est pas le plus pratique pour irriguer, les jardins bénéficient cependant de différentes expositions lumineuses.


Les jardins autour de la maison associent plantes potagères, petits fruits et plants de rhubarbe que l’on peut admirer ici.

Sandrine (à gauche) et Clémentine (à droite) désherbent les jeunes pousses de betteraves dans l'un des potagers. Ici, pas de produits chimiques ni de mécanisation : on travaille sur sol vivant.


Là encore, leur volonté d'avoir une empreinte minimaliste sur l'environnement relève d'un engagement parfois coûteux en temps. "Après un traitement contre les limaces avec des produits bio, j’ai retrouvé un hérisson mort. Même si ça n’avait peut-être aucun lien, je n’ai plus eu envie de traiter contre les limaces" nous raconte Sandrine. « Maintenant, je ramasse les limaces les nuits tombées à la frontale. »



Une dynamique de production poussée par l'envie d'innover


Que ce soit au jardin ou dans son atelier, ce sont la curiosité et l'envie d'innover qui motivent Sandrine dans le développement de son activité. Plongée dans sa quête gustative, elle sélectionne des arbres fruitiers, presque une centaine, qui ne sont pas tous en production : pommiers, pruniers, kiwis, plaqueminiers, cognassiers, pêchers, abricotiers, cerisiers, poiriers, raisins, châtaigniers, figuiers, asiminiers, grenadiers, noisetiers, noyers, sureau… "Cette année, on a aussi essayé les agrumes."

Elle s’inspire aussi des essences endémiques de la région, qu’elle intègre au jardin : "Pour les petits fruits, j'utilise beaucoup d'espèces pour proposer à terme plusieurs parfums pour les Ya’fruits." Framboises, cassis, amélanchiers, cornouiller mâle, groseilles, baies de mai, ragouminiers, myrtilles... Il y a l'embarras du choix.


”En plus du fruit pour la production de Sandrine, le kiwi c'est une liane qui pourrait servir d’ombrage et de décoration à la future pergola…” nous confie Pierlo.


Et puisqu'elle aime expérimenter de nouvelles recettes, Sandrine propose une gamme de produits toujours différents d'une année sur l'autre. Les clients pourront ainsi découvrir ses nouveaux pestos à base de coriandre ou même de fanes d’oignons ! Son humilité et son attention laissent aussi place à l'inspiration venant des suggestions de ses clients.


Et parmi toutes ses créations, c'est le Ya' fruit* l'égérie. Un yaourt au lait de riz, que Sandrine aromatise avec divers coulis fabriqués à partir des fruits de son jardin. Un produit à la fabrication complexe, qui exige une grande maîtrise des divers paramètres qui impactent la production. Encore aujourd'hui, certains paramètres lui échappent encore. Mais c’est un défi qu’elle se plaît à vouloir relever : “Je fais tout le temps la même chose, et pourtant d'une fois sur l’autre, j’ai parfois pas du tout la même consistance. Il y a sûrement un facteur que je ne mesure pas et qui est important.” nous raconte-t-elle, fascinée par cette imprévisibilité de la vie microbienne. En effet, un atelier de transformation requiert un contrôle minutieux de plusieurs paramètres tels que la température, le timing de chaque étape ou encore la pasteurisation.


Le cassis sert notamment pour la fabrication de délicieux coulis pour napper les Ya’fruits. Le riz "cru" est mixé directement dans le blender avec de l’eau pour obtenir du lait de riz. Après un long processus de préparation*, les Ya'fruits sont fin prêts !


D'autant que perfectionniste, Sandrine est exigeante sur la qualité de son produit, qu'elle va toujours chercher à améliorer. Au delà de la texture, c'est le goût du produit qui lui importe surtout, afin de faire découvrir de nouvelles saveurs à ses clients.

Ainsi innover c’est aussi explorer, et lorsqu’on parle de perception des goûts et saveurs, le spectre d’exploration est infini  Pour continuer ses découvertes, Sandrine ne manque pas d’idées : “J’aimerais avoir un distillateur comme ça je pourrais faire de l’eau florale avec mes roses.” Elle reconnaît avoir tendance à diversifier beaucoup ses productions et ses activités plutôt que de se concentrer sur la rentabilité d’une activité en particulier.



Gérer son temps de travail et se diversifier, deux objectifs difficiles à concilier


Mais cette dynamique d'innovation et de diversification a un prix. Car en multipliant les productions et les activités, Sandrine court souvent après le temps et avoue parfois manquer de maîtrise : « Il faudrait que je calcule le taux horaire de chaque activité pour évaluer ma rentabilité et peut-être me concentrer sur certaines productions plutôt que d'autres » soupire-t-elle. Elle a alors réalisé que les enjeux autour de la production agricole étaient bien plus complexes que ceux auxquels elle était confrontée dans son jardin vivrier.


Ramasser les limaces au printemps à la frontale, empoter les Ya’fruits à la main ou encore passer 8h à la cueillette des framboises ... Y'a du boulot !


Minute ! Avant de cueillir les délicieuses framboises, il faut désherber les framboisiers !


Difficile, quand on monte un tel projet, de faire la part des choses et de lâcher prise sur la montagne de travail en attente pour se dégager du temps libre ! Cependant elle a conscience que ce ne sont pas des horaires soutenables et qu’il faut encore qu’elle trouve un rythme plus léger et régulier. « Tu choisis ce que tu veux maintenir, ce que tu veux prendre pour toi. J’ai bossé énormément, je ne peux pas aller à ce rythme-là indéfiniment… Il faut que je réfléchisse à comment faire évoluer mes produits.” Comme beaucoup d'agricultrices fraîchement installées que nous avons rencontrées, Sandrine tente de repenser son organisation du travail pour pouvoir tenir la cadence.


Pour l'empotage des Ya'fruits, c'est système D ! Pierlo a bien essayé d'améliorer le système en fabricant un support avec un tabouret, mais la mise en pot prend encore beaucoup de temps.


Et outre un changement d'organisation, c'est en investissant dans quelques équipements que Sandrine espère gagner en temps et en efficacité de production dans les années à venir. Ainsi, elle a récemment acheté une autoclave qui lui permet de stériliser ses pots chez elle. Autant d’investissements qu'elle peut réaliser grâce aux aides aux agriculteurs. Cette année, elle envisage notamment d’investir dans l’arrosage automatique. C’est un enjeu majeur pour elle car le rythme qu’elle s’impose aujourd’hui, en phase de développement de l’activité, n’est pas durable.



Un rapport aux autres inspirant.


Et pour rester ouverte sur le monde et trouver des solutions à ses problématiques, Sandrine sait s'entourer !

Elle a ainsi pu bénéficier de l'expérience des agriculteurs du coin pour penser le développement de son activité agricole, que ce soit au niveau de l’organisation de travail comme pour le mode de production. Elle suit également beaucoup de formations* (construction d’un séchoir solaire, production de ses propres semences…), pour apprendre de nouvelles techniques et échanger entre collègues. Enfin, elle fait partie de réseaux de solidarité et d’entraide importants : assos, AMAP, groupement de producteurs, réseau d’entraide, monnaie locale, formations… Un moyen de sortir la tête de l'eau sans s’enfermer dans son activité et ses préoccupations sur la ferme. En voilà une sacrée richesse pour une agricultrice en cours d'installation !


Avec un tel réseau, les rencontres inspirantes ne manquent pas et viennent même nourrir des réflexions sur la gestion durable de sa production. Dernière idée en date de Sandrine grâce à ces ateliers ? Faire le lait végétal des Ya’fruits avec le sarrasin du voisin plutôt que le riz de Camargue pour relocaliser davantage sa production. A suivre !

Ainsi s’achève notre séjour dans le charmant cocon de verdure de Sandrine et Pierlo. Une belle aventure vers l’autonomie parsemée de rencontres inspirantes et guidée par un amour pour la nature et tout ce qu’elle a à nous offrir. C’est finalement vers l’agriculture que Sandrine se tourne pour trouver un nouveau goût de liberté et de vitalité. En avant toute !




Coup d’oeil sur les coulisses de la production



Recette de préparation d'un Ya'fruit

Le Ya' fruit c'est un délice de fruits (2/3 de fruits, 1/3 de sucre ajouté) sur un brassé de riz. Sandrine s’est inspirée de la création de Christophe Favrot avec qui elle s’est formée.


Mais encore ?

Concrètement, une préparation de fruits est déposée sur une préparation de riz bio de Camargue qui a subi préalablement une fermentation de type lactique comme les yaourts.

Lactococcus lactis, Lactococcus plantarum sont les petits noms des ferments utilisés. Le Ya' fruit mûrit et s’adoucit comme un fruit, et de fait est sujet à des variations légères de goût et de texture. Ils ont une DLC (date limite de consommation) de trois semaines.

Sandrine les prépare aujourd'hui essentiellement avec les framboises et les cassis du jardin, mais dans une moindre mesure aussi avec les pêches, les prunes, les pommes, la pastèque à confiture, la rhubarbe du jardin et des châtaignes qu’elle ramasse dans les Baronnies. Pierlo et elle ont planté de nouveaux arbres pour vous proposer d'autres parfums dans quelques années (kaki et des baies surprises ! ) en attendant que les arbres poussent.


Les formations offertes par les chambres pour les agriculteurs


Sandrine est à l'affût de nouvelles idées de recettes pour valoriser les fruits et légumes. Elle vient récemment de découvrir dans un livre sur les légumes oubliés : le vin de tomate.

Du champ à la bouteille, la transformation de la tomate en vin prend environ neuf mois avant de donner un liquide clair, doré à 18% d'alcool. Plus aucune trace de la tomate dans le produit final, pas même au goût.


Une recette inventée par le québécois Pascal Miche qui détient toujours le monopole du savoir. Il choisit ses tomates comme les vignerons leur raisin. Et il leur fait subir un traitement similaire : concassage, vinification, macération, pressage.


Le rocket stove pour se réchauffer


Le rocket stove est un type de foyer à bois utilisé pour la cuisson des aliments ou comme moyen de chauffage. Sa structure typique forme un L, composé d'un orifice horizontal d'alimentation permettant l'arrivée d'air et la mise en place du combustible, d’une chambre de combustion et d’une cheminée verticale d’évacuation isolées. Cette isolation du foyer permet une meilleure combustion du bois qui produit, alors, un son de fusée, d’où l’appellation de cette invention.

La différence entre les deux types d’utilisation se traduit dans le choix du matériau mis entre le foyer et la paroi extérieure dans le cas d'une utilisation pour la cuisson, la chaleur doit être concentrée en sortie de cheminée ce qui nécessite une bonne isolation entre le foyer et la paroi extérieure. A l'inverse, dans le cas d'une utilisation pour le chauffage (poêle), la chaleur doit être stockée et diffusée vers les parois latérales.

Toutefois, cela n'empêche pas d'utiliser un rocket stove isolé avec de la terre pour de la cuisson, il sera juste moins performant.


Technique de lactofermentation pour consommer ses légumes en tout temps !

Cette technique est connue pour la cuisine de la choucroute, qui se fait à base de chou lacto fermenté. Il s’avère que, sous cette forme, les légumes se conservent une année en bocaux. Il s’agit de tasser le légume (entier ou râpé) dans un récipient et le recouvrir d’une saumure. Pour fabriquer la saumure, c’est 30g de sel dans 1L d’eau environ.


Puis, vous pourrez conserver vos légumes au frais (15°C environ) dans un récipient fermé hermétiquement environ une année.


La biométhanisation


C’est la production de biogaz. Le principe est de stocker la matière organique dans une cuve hermétique, appelé digesteur ou méthaniseur, pour la soumettre à l'action des bactéries. Les matières sont brassées et chauffées afin d'accélérer la fermentation et la production de biogaz. Les résidus du processus (appelé aussi le digestat) sont récupérés comme fertilisant pour les champs.


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